MEDIACTU – MAI 2014

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              

Dans l’actualité médiatique de ce mois de mai, il y eut deux pôles qui ont monopolisé l’attention de notre presse d’info, tous supports confondus : notre campagne électorale pour les trois niveaux de pouvoir et le Festival de Cannes, ce marronnier du printemps cinématographique, qui monopolisait la rubrique culturelle depuis quelque temps déjà.

Avec un fil rouge : le sens du spectacle commun aux deux événements et – avec vingt-quatre heures de décalage – l’apothéose de la proclamation des résultats et l’attribution des sièges ou de la palme... Et, comme dans tout spectacle, il y a du suspense, des rebondissements, des coups de gueule. Et puis, il y a aussi les prédictions, les sondages, les supputations, les erreurs de casting ou les erreurs tout court. Ainsi, on vous annonce que tel parti au Nord est en perte de vitesse et qu’il n’atteindra pas le pourcentage escompté pour devoir admettre que l’on s’est trompé et que non, décidément non, il a bien le vent en poupe et remporte haut la main la victoire qu’il a toujours convoitée. Ainsi, on annonce que tel film va atteindre des sommets. On titre à la Une que ses auteurs « font l’unanimité à Cannes » pour, le grand jour venu, garder un assourdissant silence. Il arrive même aux médias d’information de prendre leurs désirs – ou ceux de leur public – pour des réalités. Mais peut-être est-ce mieux de ne pas se retrancher derrière toutes les justifications qu’un sort funeste vous oblige à imaginer. Les hommes politiques n’ont d’ailleurs pas nécessairement la pudeur des grands créateurs qui relativisent ce que d’autres considéreraient comme un échec, en le resituant dans une évolution créative et dans un contexte plus ou moins favorable.

 Dans les deux cas, il y a aussi toute la période qui suit l’événementiel. Période d’analyse des décisions prises par les électeurs d’une part, par un jury de festival d’autre part ; période de négociations entre partis – adversaires hier et frères demain – ou rendez-vous entre réalisateurs palmés, acteurs mis en vedette par le palmarès et producteurs. On conclut, dans les deux cas, des partenariats pour mieux vendre ce que l’on a produit, ou pour mieux faire passer son credo politique et les mesures que l’on a préconisées. De part et d’autre, on essaie d’exploiter au mieux ce qui a été mis en vitrine et ce qu’on a souvent promotionné par un marketing coûteux. Et on s’aperçoit ainsi que les deux manifestations sont d’abord des plateformes, qui vont contribuer à faire rebondir des idées, des projets, une forme de recherche ou d’engagement, que celui-ci soit artistique ou politique.

 Ainsi, cette « société du spectacle » que nous avons côtoyée tout au long de ce mois ou dans laquelle nous avons été immergés, parfois bien malgré nous, est révélatrice d’enjeux fondamentaux et quotidiens, qui persistent longtemps après que les paillettes aient été emportées par le vent de la Grande Bleue, longtemps après que les promesses des meetings électoraux se soient trouvées confrontées à la réalité de chaque électeur-citoyen.

 

Nous avons envie de clôturer ce rapide aperçu des turbulences médiatiques de ce joli mai en évoquant encore deux points. Et, pardonnez-nous, ils font encore référence au cinéma…

 

« Les Cahiers du Cinéma » consacre leur 700e numéro – eh oui ! il s’en est passé du temps depuis leur livrée jaune d’avril 51 – à l’émotion… Entendez par là : une émotion ressentie à la vision d’un film. Quelque cent trente cinéastes, acteurs, scénaristes, techniciens du monde entier ont été ainsi sollicités pour célébrer cet anniversaire avec la rédaction et les lecteurs de la revue. Une invitation qui propose de répondre par un texte, une photo, un commentaire d’images. Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’on trouve ici un florilège de réponses intimes, souvent inattendues. Et d’un autre côté, c’est aussi une sorte de profession de foi d’une revue qui, par le passé, s’est souvent méfiée de l’émotion, lui préférant la rigueur de l’analyse et la distanciation de la raison. Dans l’édito de ce 700e numéro, Stéphane Delorme – rédacteur en chef des Cahiers – rejette cette obsession de la mise à distance et admet que « le cinéma est une machine émotionnelle au dérèglement magique qui a peu à voir avec la rationalité » et ajoute : « Il suffit de faire confiance aux émotions. Les images se gravent en nous à notre insu et le plus beau défi est de savoir le reconnaître et en parler. Car, au jour le jour, nous vivons et nous marchons dans ces images ». Un texte qu’il importe d’apprécier à sa juste valeur, et une initiative qu’il faut saluer chaleureusement. Car les images chargées d’émotion, nous en avons tous au cœur et à l’esprit, elles nous suivent, nous les possédons en nous comme elles nous possèdent.

Et, c’est à ces images notamment que nous pensions tantôt en évoquant « les enjeux fondamentaux et quotidiens » des images filmiques qui persistent longtemps après que la projection soit passée. Et si le cœur vous en dit, sachez que Les Cahiers vous propose, à vous aussi, d’envoyer vos moments d’émotion (à l’adresse Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) pour participer, le cas échéant, au recueil qui sera publié dans le numéro d’été.

Si nous insistons lourdement sur cette initiative, c’est qu’au cinéma, ou plus exactement dans la critique filmique, l’émotion est rarement prise au sérieux, celle que l’on ressent à la vision d’un film ou celle que l’on veut communiquer au travers de ses propres images. A force de trop vouloir décoder, on passe peut-être à côté de l’essentiel, à force de vouloir éduquer au cinéma via des compétences, on risque non seulement de se priver de plaisir mais aussi d’ignorer la vraie valeur des choses.

 

Dernière info pour ce mois de mai – beaucoup plus près de chez nous – sachez que nous venons de clôturer la neuvième édition de notre Concours Vidéo, avec 59 vidéogrammes reçus (des fictions, des documentaires, des documents pédagogiques). Ça nous fait quelques longues heures de visionnage en perspective, mais aussi probablement quelques intenses moments d’émotion… 

M. Cl.