MEDIACTU – JANVIER 2014

 

Les hit-parades et autres « bêtisiers » de 2013 se sont refermés pour céder la place à « l’année de tous les dangers », du moins si l’on s’en réfère toujours aux médias… et à une certaine tendance à dramatiser les choses. Quoi qu’il en soit, janvier implique toujours une mise en perspective de l’année écoulée et une vision prospective de ce qui attend le citoyen lambda, le tout dans la foulée de la traditionnelle trêve des confiseurs qui vient renforcer la césure entre les deux années. Et dans tout ceci, que devient l’éducation de ce citoyen lambda aux médias, qui l’environnent de toutes parts ? Formellement, la reconduction des opérateurs d’EAM à la veille de la Noël fut de bonne augure. Il semble que l’on soit heureux de leurs prestations respectives dans un contexte de plus en plus difficile. Il semble également que si le contexte financier reste délicat et l’horizon politique assez aléatoire au lendemain des élections du 25 mai, le paysage médiatique, par contre, continuera à nous offrir de belles potentialités de développement d’une action éducative. Le numérique nomade va très certainement continuer à révolutionner les pratiques individuelles et collectives, mais le paysage va aussi, semble-t-il, évoluer en fonction des nouvelles optiques adoptées par la RTBF, sur la base de son nouveau contrat programme et du troisième mandat de son administrateur général, Jean-Paul Philippot.

 

Celui-ci était présent au bilan TV du CSA (22/01/14) et il a marqué cette matinée par des déclarations sans ambiguïté. La RTBF entend bien entamer une politique basée à la fois sur l’ancrage belge, sur les coproductions que celui-ci suppose et sur une ouverture plus marquée encore que par le passé vers le digital. De telles déclarations contrastent avec une politique que la chaîne publique a cultivée pendant des décennies, à savoir une politique de repli sur elle-même, de monopole et d’un certain mépris – avouons-le – à l’égard des « petits » opérateurs qui essayaient de naviguer dans son sillage. Nous ne nous interrogeons pas sur les raisons de ce revirement ; elles peuvent être économiques, politiques, peut-être même citoyennes.

 

Il faut dire que l’intervention de Philippot succédait à celle de Frédéric Delcor, Secrétaire Général de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui avait axé son propos sur la place de la télévision dans les politiques culturelles à développer. Après avoir réaffirmé la participation de la TV à la construction d’une identité culturelle, au dynamisme de la production audiovisuelle et de sa diffusion « loin de tout nationalisme et de tout repli sur soi », Delcor a souligné le fait que la TV devrait évidemment continuer à occuper une place significative dans le développement des industries créatives, tout comme le cinéma. Il a surtout insisté sur le rôle de levier que la chaîne publique devait jouer au plan de la conscientisation de l’identité. Et de prendre comme référence concrète – disons même opérationnelle – la problématique des séries, pour laquelle les projets commencent à se bousculer. Le but de la FWB est d’appuyer cette nouvelle dynamique mais quand-même aussi, ajoute Delcor, « de faire de l’audience », en favorisant toujours la diversité et en promouvant tout à la fois culture populaire et culture plus pointue. Et cette politique innovante (du moins dans notre paysage médiatique) devrait englober les TV locales, qui pourraient développer une spécificité tout à fait complémentaire, par exemple, dans le domaine de la diffusion de courts-métrages. On le voit, Laanan, Delcor et… Philippot, même combat…

 

L’administrateur général s’est inscrit dans la voie royale ainsi tracée. La RTBF est aujourd’hui sollicitée comme partenaire et s’engage dans une politique de partenariat ouverte et accrue, du développement à la fois économique, social et culturel en Belgique francophone. Un partenariat notamment avec TVPROD, créé en 2013, en tant qu’union professionnelle des producteurs indépendants de télévision, un secteur – a rappelé Dominique Vosters, Président du CSA – qui « entend répondre aux défis lancés par de nouveaux instruments de politique audiovisuelle ». Dans le contrat de gestion 2013-2017 de la RTBF, cette production indépendante se voit réserver une place privilégiée et de nouvelles opportunités à saisir.

 

Puisque les projets se sont multipliés et qu’une première sélection a été opérée, il faut désormais passer à leur production et à leur mise à l’antenne. C’est, résume Philippot, « un challenge éditorial, de productivité et de créativité ». Et d’évoquer aussi bien les documentaires qui représentent effectivement une contribution importante à la créativité (voir aussi le centenaire de 14-18) que les fictions TV. Il importe donc, quels que soient le genre et le format, de se couler dans la réalité sociale de la Fédération, de travailler ensemble, de collaborer. Il importe, au fond, de se ré-oxygéner, en ne négligeant pas la formation continuée et les projets de recherche.

 

Va-t-on vers un nouvel âge d’or de la télévision ? Le CSA peut en être un déclencheur important en contribuant à la mise en œuvre de partenariats plus actifs et – peut-être et surtout – d’une autre philosophie des synergies, loin de toute concurrence stérile. Mais un fait est certain : alors que l’on disait la TV moribonde, elle est en train de conforter sa place dans le paysage médiatique global en se déclinant sur tous les supports et en s’adaptant aux modes de consommation contemporains.

 

Cette nouvelle orientation de la chaîne publique nous réjouit le cœur, car elle nous paraît rendre possibles certaines collaborations, plus particulièrement en matière d’éducation aux médias – comme celle que nous avons entamée récemment avec « What the fake ?! », une expérience transmédia interactive où « les ados vont pouvoir bousculer les codes de communication ». Rendez-vous sur le Net, les réseaux sociaux et sur le terrain, du 17 janvier au 20 avril.

 

Mais si la TV défrayait la chronique en ce début d’année, la radio pour son centenaire s’offre cette prestigieuse exposition « Vu à la radio » à Tours et Taxis. Nous l’avons évoquée dans Mediactu décembre. Si vous voulez y conduire vos élèves pour une visite, sachez que cette expo est accessible tous les jours jusqu’au 27 avril. Sachez aussi que les professionnels de la radio ont établi un lien quasi affectif avec le média auquel ils se consacrent. Les témoignages publiés par « Journalistes » (janvier 2014), en disent long sur ce virus inoculé par un média qui effectivement ne donne pas l’impression de se démoder, qui permet avec ses auditeurs dialogue, interaction dans l’immédiateté et extrême souplesse de « consommation ».

 

En janvier, une nouvelle journée « Prof relais » fut également organisée (10/01) par les trois centres de ressources, l’AJP, la JFB et le CSEM. Le thème choisi était « L’information en ligne au-delà des écrans ». Nous en avons fait un compte-rendu détaillé que vous trouverez sur le site du CSEM, nous nous bornerons donc ici à évoquer quelques traits saillants de cette journée consacrée à la presse en ligne et à son intégration pédagogique. Notre impression est qu’une certaine frilosité de la part des enseignants à l’égard des supports pédagogiques proposés par la presse d’information « on line » commence à s’estomper. Quant à la presse elle-même, elle est pratiquement condamnée à développer de nouvelles stratégies communicationnelles sur le Net, ce qui implique de nouveaux modes de formulation et surtout une nouvelle relation avec le lectorat qui est associé à la collecte, la mise en forme et la diffusion de cette info.

 

C’est un exposé d’Alain Gerlache qui cadrait très clairement le propos de la journée. Nous sommes plongés dans un univers multi-écrans et, par conséquent, dans des comportements « cross-platforms ». Il y a toujours une fracture numérique, mais elle ne se situe plus au plan de l’accès mais bien des choix culturels. Sachant aussi que le nouveau type d’info se décline en fonction de l’individu, qui devient en quelque sorte son propre rédacteur en chef. « It’s my news » implique que l’info que je choisis est plus importante que sa source, mais aussi que la globalité de l’info… On perçoit comment cette centration sur une info exclusive peut être dangereuse… Gerlache aborde aussi les modèles économiques et pose clairement une question-clef de la journée : va-t-on vers un monde sans journalistes, sans médias, sans médiateurs, sans garants des sources et du contexte ? Sans être aussi pessimiste, il apparaît, en tout cas, de plus en plus important d’éduquer aux médias, à leur pratique individuelle ou collective. Il importe aussi très vite d’entrer dans des modèles collaboratifs et de professer l’ouverture. Tiens, on aurait presque l’impression d’entendre parler Philippot !

 

Le journalisme citoyen était aussi inscrit à l’ordre du jour de cette rencontre. Une collaboration plus étroite avec le citoyen est un passage obligé, non seulement pour la récolte d’une info de proximité mais aussi pour sa mise en forme. Et ceci pourrait représenter une invitation non déguisée à la collaboration plus systématique avec des enseignants et leurs élèves…

 

Encore faut-il, et Sylvain Malcorps de l’ULB et d’Apache.be est là pour le rappeler, maîtriser la spécificité de l’écriture sur le web. A côté du bon sujet, d’un bon angle d’attaque, d’un travail sérieux d’investigation, il y a des fondamentaux à ne pas négliger : le contenu augmenté avec l’importance des hyperliens et de la communication visuelle, le calibrage pour les réseaux sociaux, l’écriture avec un rythme, une aération, le rejet de toute forme littéraire, un style direct, une concision inspirée de Twitter, des mots-clés qui sollicitent le partage, donnent le ton et structurent l’article.

 

Une table ronde consacrée aux forums sur Internet clôture la journée. Elle essaie de mieux définir ce que d’aucuns considèrent comme un « défouloir grossier ». Les problèmes évoqués ici sont de différents types : maintien de l’anonymat, quelle modération, quel engagement réel, quel respect des règles journalistiques, quelle responsabilité… A ce sujet, notons que l’édito de « DéontoloJ » (le bulletin du Conseil de déontologie journalistique) de janvier réclame une modération plus ferme, cernant les responsabilités de chaque intervenant, les journalistes sur la base de leur code de déontologie, les internautes prenant conscience des limites de la liberté d’expression lorsque « les valeurs fondamentales de notre société et les droits ou la dignité d’autres personnes sont mis en cause »« Aucune liberté, même fondamentale, n’est absolue ». La « recommandation » préconise donc la « modération a priori », soit un contrôle des « posts » avant leur diffusion, tout comme l’identification obligatoire des internautes.

 

Nous refermons ici ce Mediactu de janvier car déjà le sourire de la jolie Emilie Dequenne nous invite à la soirée des « Magrittes du Cinéma » 2014. A vos tenues de soirée, mais il est encore possible d’en louer une, ce sera le 1er février…

 

M. Cl.