MEDIACTU – NOVEMBRE 2013

 

Décidément, novembre 2013 fut le mois de tous les anniversaires : les 100 ans de la radio, les 60 ans de la RTBF, les 75 ans de la Cinematek et… les 30 ans du CLEMI. Mais le mois a également été marqué par le rendez-vous obligé du cinéma documentaire en Belgique qu’est le Festival Filmer à Tout Prix. On vous parlera aussi de la Journée des Hautes Ecoles consacrée aux nouvelles écritures médiatiques et d’un site offrant au regard 600.000 objets de notre patrimoine artistique, une numérisation qui intéressera aussi bien les chercheurs que l’amateur curieux et passionné de belles choses.

La radio est un des médias les plus anciens et qui a résisté avec bonheur aux assauts répétés des nouvelles technologies, de toutes les déclinaisons de l’image, des modes et coups de cœur. Cent ans après la première diffusion d’un programme radio en Belgique (c’était le 28 mars 1914 depuis le château de Laeken), un ouvrage vient nous rappeler les grandes étapes de l’aventure radiophonique. « Cent ans de radio en Belgique » nous donne à revivre les grands moments de ce média populaire, qui n’a jamais été vraiment détrôné par la TV ou les réseaux sociaux. On trouvera ici photographies, anecdotes, documents inédits se rapportant aux grands chapitres de la programmation radio : informations sportives, interviews, divertissements, reportages, musique. Un média qui fait plus que survivre, car comme l’affirment les auteurs de l’ouvrage : « La télévision n’a pas tué la radio, et Internet ne viendra pas la tuer non plus parce qu’il y a deux passions : celle de ceux qui font de la radio et celle de ceux qui l’écoutent ». Et c’est tout à fait exact. Il suffit d’ailleurs de voir l’enthousiasme des collègues participant à de simples expériences de radio d’école pour s’en convaincre, même si l’on parle plutôt aujourd’hui de webradio…

Mais les soixante ans de la télé véhiculent aussi tout un lot de souvenirs, d’émotions, de programmes et de figures quasi mythiques. Une mythologie de proximité – comme la radio d’ailleurs – mais qui a marqué notre quotidien et nous a apporté un lot de moments importants dans la construction affective et cognitive de tout individu. Ici aussi, bien sûr, le tri effectué par la mémoire est parfois sévère et les jugements subjectifs. Il y a d’abord des images qui jaillissent à l’esprit. Elles sont d’abord en noir et blanc, puis s’habilleront de couleurs éclatantes, pour rechercher ensuite une certaine sobriété. Il y eut ainsi des images fugitives de l’Expo 58 (fugitives, parce que je terminais mon mémoire d’unif à cette époque et je n’avais pas trop de temps à passer devant la « petite lucarne »), il y eut surtout l’assassinat de JFK, les premiers pas de l’homme sur la lune, le 11 septembre. Mais plus que ces images et les événements qu’elles cherchaient à relater, il y eut des émissions qui jetèrent des balises pour de premiers apprentissages. Les premiers J.T. de novembre 56 qui succédaient au relais de Paris, le « Carrousel aux images » avec Selim Sasson et les ciné-clubs de Minuit, l’émission « Neuf Millions » avec Raoul Goulard ou Georges Konen,…Mais trêve de nostalgie, même si ce sont bien les images et les visages qui ressuscitent ces moments révolus…

Les 75 ans de la Cinémathèque font bien évidemment partie de cet univers, même si la notion de proximité – géographique ou culturelle – fut moindre. Ce fut un lieu de découvertes et de rencontres, un outil de connaissance, un espace d’émerveillement. Mais il est surtout important de se souvenir que notre Cinémathèque – mais dites donc Cinematek – est une des plus riches et des plus actives en Europe. Les chiffres : 150.000 copies, 72.000 titres, parmi lesquels 14.000 pour le cinéma belge. Tout ceci implique restauration, numérisation et rencontre avec le public. Mais aussi des conditions de conservation extrêmement strictes : une température oscillant entre 0° et 5° et un taux d’humidité de 35 %. La Cinematek c’est cela, c’est aussi tout un savoir-faire engrangé depuis 1938… des copies nitrate au numérique. Un patrimoine à préserver pour les générations à venir et, ne cesse de répéter son conservateur Nicola Mazzanti « un sous-financement chronique » en comparaison des institutions similaires à l’étranger, mais en même temps la volonté de préparer les 75 prochaines années. Et il y aura du travail en perspective. Il faut savoir que pour l’instant seuls 2 % des collections sont digitalisées. Un travail d’orfèvre et de titan, tout à la fois. Mais aussi une fête, un plaisir qui se partage, un anniversaire qu’on célèbre ensemble... au Museum of Modern Art de New York qui rend hommage à notre travail de restauration, mais aussi avec cette opération Portes Ouvertes au dépôt de films, avec ces quelque 3.000 séances annuelles, ces éditions DVD et Blue-Ray, ce canal Cinematek sur Youtube, un livre de photos à paraître chez Yellow Now avec six regards sur les cinémathèques, ceux de trois écrivains et trois photographes (sortie prévue le 12 décembre). Ce qui est formidable, c’est qu’on a l’impression que cet anniversaire c’est un moment, un photogramme d’une éternelle mutation, d’une histoire en perpétuel devenir. 

Mais bouclons la série des anniversaires avec les 30 ans du CLEMI. Pour rappel, il s’agit du Centre de Liaison de l’Enseignement et des Moyens d’Information, de la rue de Vaugirard à Paris. Avec le British Film Institute, une institution qui fait référence dans le petit monde de l’éducation aux médias. Centré, à ses origines, sur la presse écrite et les journaux lycéens, le CLEMI a vécu, lui aussi, une mutation incessante, s’ouvrant au cinéma, à la télévision, aux réseaux sociaux. Mais le CLEMI c’est aussi un modèle de dynamisme au plan de la réflexion sur l’importance pédagogique des médias, sur leur intégration dans le travail de la classe, sur les compétences à mettre en œuvre et à développer. Le thème du colloque organisé à l’occasion de ce 30e anniversaire est à l’image de ce monde en évolution : Médias et enjeux de la citoyenneté démocratique, avec des groupes de travail comme : l’EAM un outil d’ouverture interculturelle, le numérique vecteur d’une nouvelle éducation aux médias et à l’information, les médias et leur partenariat pour l’éducation aux médias, EAM et e-démocratie, l’avenir de la recherche en EAM, les productions lycéennes et le droit du numérique,… Et nous imaginons volontiers qu’ici aussi, on pense aux trente années à venir et à de nouveaux défis technologiques et pédagogiques ainsi qu’à leur convergence au service de nouveaux enjeux démocratiques….

Et ce regard vers le futur, c’est également celui qui avait été privilégié par la Journée des Hautes Ecoles, organisée le 27/11 à la HEL (la Haute Ecole liégeoise) par les trois centres de ressources en éducation aux médias et le CSEM. Son thème, en effet, concernait aussi l’école numérique… « La classe écrit et diffuse sur le Net », en d’autres termes, un ensemble de témoignages, de partages d’expériences, d’interventions présentant des réalisations concernant les nouvelles écritures médiatiques en classe. Une plénière de qualité impliquant des collègues et étudiants de l’Université de Liège, des Hautes Ecoles et des centres de ressources et sept ateliers dont l’objectif était d’ouvrir des perspectives pédagogiques au plan des applications de l’école numérique : réalisation de contenus audiovisuels, exploitation d’un webdocumentaire, création d’un webdocumentaire, création d’une webTV, journal et blog d’école, création d’une webradio, écriture collaborative avec les wikis. Une journée dont chacun semble avoir été très satisfait, car après une élucidation des concepts, elle a permis de prendre contact avec un échantillonnage assez représentatif de réalisations – webradio, webdoc, webTV, blog – et de mettre la main à la pâte dans les ateliers.

Mais novembre fut aussi le mois de Filmer à tout prix, le rendez-vous du cinéma documentaire en Belgique. On est bien conscient de l’effort important consenti au plan de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour assurer le développement et la diffusion d’un genre cinématographique qui a participé aux fondements de notre cinéma. Ceci nous a valu une heureuse sélection des meilleures productions belges et internationales en la matière, des débats et discussions, des rencontres sur les thèmes de la poésie et de la politique tels qu’ils s’expriment dans ce type de production. Trois lieux – Bozar, Flagey, Cinematek – 34 films en compétition, 137 films projetés, avec en soirée de clôture la projection d’une sélection de films documentaires du cinéaste russe Alexander Sokourov, en fait, une série de portraits filmés (« Elégies »), des instantanés, des méditations sur le thème de la mort et de la transcendance. Au total, un très beau palmarès pour cette 15eme édition d’un festival qui vient s’inscrire parfaitement dans la réflexion lancée il y a quelques mois sur l’importance du docu dans notre cinéma.

Enfin, saluons une initiative d’archivage de notre patrimoine wallon et bruxellois, une initiative qui nous permettra de regarder ou d’écouter gratuitement 600.000 « objets » mis en ligne dans le cadre de numeriques.cfwb.be. On y trouvera aussi bien des armes gravées de la FN que des collections du Musée du Mariemont ou du Grand Curtius de Liège, des joyaux d’art déco, films, sculptures, photographies, meubles ou marionnettes, bref un véritable trésor pour les esprits curieux et les chercheurs. Evelyne Lentzen, déléguée générale à la numérisation des patrimoines culturels, insiste sur l’obligation de qualité et la nécessité de pérenniser des œuvres souvent inaccessibles et qui seraient autrement condamnées à l’oubli. « Il faut le voir comme une véritable vitrine de notre identité culturelle » et il est important aussi, ajoute-t-elle, de « garantir autant que faire se peut que ces contenus numériques resteront utilisables par les générations futures, quelles que soient les évolutions technologiques, ce qui n’est pas simple »

Un mois de novembre à vrai dire où chacun a pu se pencher sur son passé, mais où il y a surtout un lot de promesses pour que ce passé vienne irriguer l’avenir avec une volonté renouvelée de diffusion et d’éducation du public.

 M. Cl.